jeudi 26 février 2015

Lumière fossile /5

En enfilant ce pull jacquard que j'ai beaucoup aimé, qui m'avait été offert par Bérénice un jour de Noël, tenir les boutons des manches de la chemise dans le cas d'une chemise afin qu'ils ne s'accrochent pas dans les brins de laines qui sous-tendent l'édifice pull et surtout les manches du pull de façon interne car c'est un faux jacquard, mais très aimé dis-je et fort chaud.
Le manche en bakélite de la poêle N° 3 a été recollé, cela devrait tenir encore un certain temps.
Je me suis fait un jour, ce cadeau, cette pelle à neige dont j'avais beaucoup rêvé la présence dans ma maison faute de chalet, symbolisant sans doute quelque chose de l'ordre de l'alpestre au même titre que le jacquard aux motifs floconneux, cadeau dont aujourd'hui encore, je ne m'explique que de cette façon qui ne répond à rien.
La poêle noire ancestrale de petit diamètre ne doit pas passer à la vaisselle mais doit être essuyée après toute utilisation avec un morceau de journal ou de papier qui aujourd'hui s'appelle Sopalin. En cas de vaisselle obligatoire suite à, par exemple, : attachage du fond par la traîtrise d'un œuf au plat - ce qui si on suit ces conseils et si on met assez de beurre paraît improbable -, la graisser avec un soupçon d'huile de cuisine après l'avoir bien essuyée.
De mon vivant je n'ai pas eu le temps d'acquérir un tapis antidérapant pour l'égouttoir à vaisselle.
Il faudra changer le sac de l'aspirateur qui doit être bien plein.
Un bic bleu est tombé dans le radiateur à gaz un jour lointain, ce qui explique cette odeur de plastique au démarrage.
Le feu petit de la cuisinière ne fonctionne pas et c'est je crois, sans espoir.
J'ai accumulé pas mal de paquets de pâtes plus ou moins originales, bien que, séjournant en Italie et imaginant découvrir des pâtes incroyables et typiques, j'ai ici trouvé les mêmes à mon retour. La pâte, simple et facile à préparer si on ne s'angoisse pas pour un rien, la pâte est un produit naturel qui ne s'abîme pas.
Je n'en dirais pas autant du potimarron qui est dans le placard de l'entrée. Je connais trop l'aspect du potimarron que l'on a oublié un peu trop longtemps dans le placard de l'entrée. Un cadavre de Lynch n'est rien en comparaison, de la petite bière de potimaron.
Vous ne trouverez pas de livres. A quoi bon avoir des livres quand on peut avoir une cave, et par là même la mémoire de l'humanité qu'un palais averti peut lire, à soi. Vous ne trouverez pas non-plus de bouteilles car par un hasard intéressant j'ai eu le temps de boire tout ce qui la composait, cette cave.
Je propose à ce propos, mais c'est un accès d'orgueil je le sais, que le verre, mon verre de solitaire qui me servait pour le vin rouge, tanifié, marqué, empreinté, en un mot sale pour le commun, jamais lavé, aille fleurir une vitrine dans quelque musée du vin, et il n'en manque pas. Ou peut-être comme objet authentique dans quelque lieu traitant de l'auto-biographie comme à Ambérieux ? Lieu qui celui-ci ou celui-là, souligneraient l'espace quotidien d'un homme aux prises avec les objets, objets qui eux-mêmes sont aux prise avec la matière, la crasse le vieillissement, tout comme nous avec la recherche du bonheur, dans une certaine immobilité, relative.
De même que le carnet d'artilleur de mon grand père qui se trouve à côté de son képi bleu horizon et des décorations et galons de mon père sur l'étagère du salon. Le tout plutôt mité.
Cette volumineuse plante est un épiphyllum rose thyrien schlumbergera dont l'origine se perd dans la nuit des temps et parmi les autres origines puisque les plantes, tout comme nous qui remontons à assez loin, n'ont qu'une origine. C'est ma mère qui un jour planta ce rameau. Il fleurit abondamment fin novembre début décembre, des centaines de fleurs et nous fait un petit baroud moindre en avril. Qu'il soit protégé.
Un certain nombre de verres Nutela, de moutarde aussi format verres à whisky attendent au fond du buffet, j'ai remarqué qu'on en voyait sur les étalages des vides grenier. Pareillement pour les verres à lumignons, colorés ou non.
J'ai beaucoup fabriqué de confitures, n'en mangeant que très peu, c'était tout comme pour le vin de noix ou les bugnes de Mardi-gras, prétexte à offrir ; famille et amis se raréfiant il me reste quelques bouteilles de différents crus. Ne peut on pas faire une cloison de tous ces pots pleins en attente ? Ce qui se passe à l'intérieur des pots pleins ? L'équilibre, en toute modestie, étant parfait entre fruit et sucre, lentement ces matières se dessicquent jusqu'à former une pâte sucrée dure, indestructible. La plupart s'assombrissent et le goût devient tellement violent et concentré qu'il faut ouvrir le pot en rejetant la tête en arrière pour ne pas être assommé par le parfum, et l'occiput loin d'un mur si possible.
Vous trouverez deux cartons contenant les boules et guirlandes de Noël. Il est indispensable pour faire un beau sapin de respecter la méthode paternelle et grand paternelle que je mentionne dans un de mes textes. Lequel ? Ça vous fera l'occasion de relire mon œuvre.
Ce portrait de moi, une photographie noir et blanc assez bonne, a été prise non pas à côté du Parthénon ou sous les colonnes du temple d'Apollon à Delphes, mais dans la cour près des garages. Non pas que je méprise l'histoire ou les visages leurs rendant hommage, mais l'humain après tout, est bien pareil partout. Les émotions que suscitent le lieu ne sont pas perceptibles, quoiqu'on dise, sur les instantanés.
La quantité de photographies prises plus ou moins en rapproché de mes amantes plus ou moins courtes plus ou moins longues, plus ou moins nues, en postures ou naturelles, érotiques ou ménagères ou les deux conjointes, joignant parfois nos corps, le leur le mien pour plus de véracités, de consistance de notre histoire, à travers ces époques reculées, ne doit pas conduire à une recherche des personnes, et on comprendra pourquoi.
Pour rester dans le domaine, ma collection d'image pornos découpées dans des revues ou prises sur le net, et vue la durée de mon existence, devraient rejoindre un musée de la touffe (la longueur ou la disparition de la touffe indiquant précisément de quelle décennie il s'agit). Au seuil de sa vie on se demande si la somme des branlettes n'a pas été, ô misère, supérieure à celles des véritables actes, à la rencontre de véritables corps plus ou moins mal aimés.
J'ai toujours beaucoup aimé les cravates, le tissus des cravates, et j'en ai un certain nombre, bien qu'en portant très peu et de moins en moins. Voyez ce que vous en faites, elles sont si mal-traitées dans les dépôts ventes au milieu de la puanteur des objets des autres. Mais parfois un connaisseur un amateur, comme je l'étais...
J'ai aussi collectionné les titres, je parle ici de la forme littéraire, certains ont servi à positionner une pièce une œuvre, d'offrir à celui qui la regarde et la décrypte de multiples pistes ou des pistes antinomiques. Il en reste oh oui, plusieurs milliers dans mes fichiers, pas morts pour autant parce qu'extraits, ôtés à des textes ou à des bribes de pensées-rêveries, pas amputés à un corps plus important qui serait le texte, les textes, mais autonomisés soudain. Ils peuvent cependant mourir, partir avec moi, le monde n'en sera pas changé. Je n'ai pas collectionné les titres littéraires, car ces autres, de titres, me faisaient horreur. La langue française est ainsi faite, et je crois que cela me plaisait plutôt beaucoup. Quelle soit faite ainsi.

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