Je
me rends compte que cette situation de neige très belle rend la
situation incommunicable avec ceux qui sont dans une situation non
neigeuse et la plupart du temps hors de ces zones blanches. Certains
y sont sensibles, peut être pas au point d'être là où j'en suis,
mais ils ne sont pas « dedans », ils ne baignent pas dans
ce bonheur que l'on aimerait partager. Mais comment ? Là encore
une fois, comment raconter, raconter bien précis sans encombrement
excessif ? Au téléphone leur voix « hors »,
hors-neige, m'étonne toujours, ou « lassée »,
hors-hiver, lassés, dégoûtés par l'hiver qui traîne selon eux,
« cette infâme lumière grise qui finit par nous déprimer »
disent-ils, ils sont absolument très loin de ce qui constitue mon univers
provisoire, mon cadre ma fenêtre. Peut-être devrais-je insister,
envoyer des preuves solides de mon obsession ? De mon amour, de
denses cartes-postales, des films, ma photo peut-être en chapka et
chaussures adaptées les pieds dans quarante centimètres de
neige quitte à faire un tas un faux tas et cadrer serré ? Où ça
achoppe comme souvent dans les cas de partages impossibles, c'est au
niveau des détails. Chaque arrivée chaque vague de neige voire
chaque flocon en groupe, tous et séparément sont différents les
uns des autres, d'une heure à l'autre, et ne parlons pas du
résultat. De mes ancêtres il me reste bien quelques maigres
appellations pour désigner les flocons, leur mouvement, en tout et
pour tout deux, oui c'est vraiment très maigre et je regrette
aujourd'hui de n'avoir à l'époque pas interrogé plus, ceux qui en
connaissaient un rayon sur le sujet. Il paraît que c'est du flan
l'histoire des Inuits, une cinquantaine de mots désignant une
cinquantaine de qualités de neige, peu importe, chaque pays à neige
se forge ses mots ou ses gestes, ses réactions à l'élément blanc.
La parole n'étant j'imagine, survie oblige, pas une priorité sur
le blanc perpétuel, dans la nuit, sur le blanc. Sur le blanc tout
fout le camp...
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