jeudi 26 février 2015

Lumière fossile /10

Ildegarde disait toujours, « j'aurais, j'aimerais, je vais, je vais faire le vide dans mon FRIGO pour la nouvelle année » ou quelque chose d'approchant : « Un frigo devrait pouvoir repartir à zéro avec la nouvelle année et du même coup, moi aussi », elle aussi. Et du coup ça tenait pour une heure ou deux. La nouveauté de la nouvelle année. Moi ce n'est plus mon problème mais ces bocaux de tomates séchées, câpres, gousses d'ail marinées, ail confit, pesto à l'ail des ours, cornichons doux et pâtissons polonais, citrons confits pimentés, moutardes diverses... dans mon FRIGO, paliers d'une solitude heureuse, en prévision plutôt d'une solitude heureuse mais jamais seul et réalisée ? Et les boites de sardines, vides ou pleines, très belles et conservées parce que telles, les remettre à l'eau ? Comment jeter d'aussi beaux emballages, en effet, boîtes, cartons aux joyeux motifs ou sacs de pâtes avec des noms exotiques, sachets papiers pour fruits, berlingots de lait avec vaches diverses et villages anonymes à peine villages, de nulle part,  bocaux vides de toutes tailles, sublimes et lumineuses bouteilles vides, quignons de pain et si pour leurs sublimes formes … ? Il s'agit certes là du dépôt des choses, des peaux, du vide, de ce qui reste de nos consommations mais, lui, l'essentiel, le stock de nourriture et son moteur la crainte de manquer ? L'évolution de la civilisation là, dans ce et contenu dans ce seul geste individuel : stocker, geste qui en devient tout à fait personnel, celui d'un maniaque paraît-il. Quelque chose du manque de nourriture est inscrit dans mes gênes tout comme le manque tout court. La peur du manque fait manquer, la peur du manque fait accumuler, l'accumulation ne détruit pas le manque mais détruit ce qui est accumulé de manque, provisoirement. C'est le principal.

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