vendredi 6 mars 2015

Lumière fossile /21

Notre vieille amie N. qui aimait encore assez bien, ne sachant rien faire elle-même de ses dix doigts, que les invités de passage et de moindre importance fissent quelques travaux, entreprennent l’entretien la rénovation de son antre avec les instruments locaux, et l'un dans l'autre sa maison s'est ainsi construite, belle intelligence. Mais notre vieille amie N. aimait surtout peut-être en une sorte de sadisme inconscient, que nous utilisions ses pauvres outils. Pince aux doigts serrés et croisés par la rouille pour l’éternité, rouleau de fil de fer soudé par la pluie, marteau valsant au manche disjoint et loin de son manche of course, scie sans dents râpe sans lime, N. pensait sans doute à Mallarmé, maintenant que j'y pense moi-même, comme à un outil de menuisier, « passe moi le mallarmé qui est dans la caisse s'teplait ! ». Oui et c'est assez surprenant de similitude enfantine ou de sadisme dissimulé, que notre bonne amie D. d'aujourd'hui, également aime-rait nous voir entreprendre en sa compagnie ou sous son regard bienveillant, manier quelques pinceaux collés qu’il ne faut surtout pas abîmer en tentant de les ranimer, ou peindre ou repeindre d’immuables fresques extérieures soumises aux intempéries à la gouache, ou cueillir les dernière cerises du haut épargnées par les merles à l'aide d'un petit mais charmant escabeau, ...outils malades qu'il faut d'abord retrouver avant de leur rendre leur âme et poser par là très certainement, délicatement, notre existence, notre être, la raison de notre présence sous ses yeux exigeants, à ses côtés, dans ses mains.

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