jeudi 2 juin 2011

Si dans un premier temps



« Si dans un premier temps on peut être tenté de se demander comment tant d’habitants en sont arrivé à peupler la terre la plus solitaire qui soit jamais sorti des mains de Dieu, ce qu’ils font là et pourquoi ils y restent, on s’interroge moins après y avoir vécu. Rien autant que cette longue terre brune n’exerce une telle emprise sur les affections. Les collines arc-en-ciel, les tendres brumes bleuâtres, l’éclat lumineux du printemps ont le charme du lotus. Ils vous font perdre le sens du temps, de sorte qu’une fois qu’on vit là on ne cesse d’envisager de partir sans jamais vraiment se rende compte qu’on ne le fait pas. Les hommes qui ont vécu là, les mineurs et les gardiens de troupeaux, vous le diront, avec moins de clarté mais tout autant de vigueur, maudissant la terre tout en y retournant sans cesse. D’abord il y a l’air le plus divin et le plus pur qu’on puisse respirer dans la création. Un jour le monde le comprendra et les petites oasis au sommet des collines battues par les vents abriteront et apaiseront sa progéniture souffrante, lassée de ses maisons. Il y a là promesse de faire fortune en terre et en minerai – fortune qui n’en est pas une du fait de l’éloignement de l’eau et de l’absence de conditions d’exploitation raisonnables, mais qui ensorcèlent les hommes et les pousse à tenter l’impossible. »


(Mary Austin / Le pays des petites pluies)



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