« C’est une vérité très générale que depuis Platon jusqu’aux environs du XVIII siècle, la science et la technique sont non seulement séparées mais franchement opposées. Or cette situation change avec la révolution industrielle qui commence en Angleterre. Tout à coup la science s’associe à la technique pour les besoins de l’industrie, et elle change ainsi profondément de sens. D’une science qui avait pour ambition de dire l’être des choses, c'est-à-dire leur identité, leur essence, leur stabilité, on passe à une science qui cherche à explorer les possibilités de devenir des choses, et qui s’intéresse beaucoup moins au réel qu’au possible, beaucoup moins à l’être qu’au devenir. La technique et la science s’associant désormais au lieu de s’oppose, la science devient finalement une espèce de science-fiction : une science capable de fabriquer des chimères. (…)
C’est ce qui arrive avec la production, par exemple de plantes transgéniques, les OGM, ou avec le clonage humain. On ne peut pas ignorer que le développement techno-industriel constitue une décision unilatérale de sélection parmi tous les possibles du vivant technicisé qui est hégémoniquement soumise, là encore, au critère de la rentabilisation au plus court terme possible : rien n’est plus entropique et hostile à la vie, qui est par essence néguentropique. Car on ne peut pas ignorer que les critères de sélection parmi les possibles n’on rien de scientifique : ils sont purement économiques et capitalistiques.
(Bernard Stiegler / Philosopher par accident / Galilée)
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