lundi 30 janvier 2012

TiborBillKarinty à la tribune

"Il n’y a pas eu d’élection ici dans cette partie de l’univers, notre monde, notre territoire comme en dehors du temps, depuis près de 300 années spatiales, les voici de retour ces élections, elles approchent. Les élections approchent et pour moi TiborBillKarinty votre contemporain, il est de mon devoir de vous ouvrir mon cœur, je ne pèserai pas mes mots : à deux mois solaires de ces élections cruciales, regardons les choses en face : il y a trop d’inégalités, d’incompréhension et de violence dans le monde où nous vivons. Je vous annonce aujourd’hui ma candidature au poste de Sufrageur Principal, soutenu en cela comme vous le savez par le Knank Parti. J’ai forgé ma présence et mon engagement parmi vous depuis nombre de décennies, ici, mon aïeul PalBillKarinty lui-même rencontra EpépéBillKarinty dans d’étranges circonstances. Tous s’impliquèrent dans la vie de la société tumultueuse de l’époque. Mon aïeul s’implanta malgré les incompréhensibles difficultés d’alors, connues aujourd’hui et qui inaugurèrent son arrivée ; étrange arrivée non voulue d’un étranger en ces lieux, mais cela est pardonné, le temps efface les blessures familiales et aujourd’hui, nous comprenons que la part négative du chemin est derrière nous. Du travail nous attend cependant, pour parfaire encore ce monde, ce monde que nous aimons, d’où, je le répète, ma candidature, épaulée par le Knank Parti. Si largement qu’on soit prêt à suivre les sciences analytiques dont je suis un des représentants - et j’espère que les scientifiques analytiques sont nombreux ce soir dans cette salle - leur postulat étant de dire et de ramener le conflit moral à la répression de la seule libido, appauvrit l’étude de la vie des Droms. Pour le dire simplement ce serait nier le drame des Droms. Limiter à une zone pauvre les multiples circonstances qui font que le Droms souffre dans son individualité. Le faire naître, ce malaise, d’un mouvement mal étudié, réduirait les forces essentielles et riches et inquiétantes qui le constituent, pour s’abandonner, au jeu d’une force affective unique et en quelque sorte indifférenciée, d’où cependant provient la naissance des troubles que nous avons étudiés en détails. Voir tout cela, tendre l’oreille au seul à écho d’un petit nombre de situations primitives nous induirait en erreur, nous ferait perdre de vue notre devoir d’étude et aujourd’hui d’aide aux Droms. Encore une fois, le propos de ce soir n’est pas, ne peut pas être, d’approfondir ces remarques. Cette étude entreprise par un groupe d’hommes, de téméraires scientifiques analytiques a déjà mis en relief des points de structure importants. Politiquement, le temps manque. Mon propos de ce soir dis-je serait d’ouvrir quelques perspectives. Seul notre parti élabore et rend visible ce qui doit l’être et prévoit un solide programme d’aide aux Droms, de plus en plus nombreux ici. Les Droms d’origine provinciale, Proxima de Centaure ou…, pénètrent comme tout « migrant » dans un monde plus ou moins ignoré, en tout cas non vécu, de jugements, d’attitudes et de conduites, monde souvent contradictoire à celui qu’ils portent en eux. Selon les contacts avec leurs compatriotes, rares parfois en ces lieux tant cela nous semble compliqué, les liens étant maintenus, rompus ou retrouvés, selon le degré d’isolement ou de participation. Certain font preuve j’en conviens, de beaucoup de réticence à participer à la vie de la cité, cité qui elle n’accepte leur présence que difficilement, beaucoup de réticence des Droms dis-je face aux coutumes d’ici, ils se mêlent peu aux diverses communautés, diffuses et de fait ou organisées, ils préfèrent se rassembler là où se rassemblent tant de transplantés. Souvent ils se trompent sur nos intentions, sur le sens de notre accueil. Selon leurs conditions, forcément modestes, rares sont les génies de la finance qui débarquent avec un splokz (pomme locale) en poche et se font, comme le financier terrien de jadis. Selon les modalités concrètes de leur existence et les influences qu’ils subissent, au hasard des fréquentations et des circonstances, une transformation plus ou moins profonde va s’opérer. L’écart entre les structures du milieu originel et celles dans lesquelles ils vont travailler et vivre, joue naturellement pour eux comme pour tous les émigrants, un rôle primordial. C’est ainsi que les Droms, qui affluent aujourd’hui de D., reconstituent avec une fréquence et une gravité particulières une pathologie mentale qui tendait à s’effacer, celle des états nostalgiques notamment. Le jeune Droms, ils sont souvent très jeunes ayant résisté de par leur vitalité à la traversé des espaces intersidéraux en principe nous protégeant de tout, participe donc d’une situation commune à toutes les « personnes déplacées », sa psychologie et sa psychopathologie est dans une grande mesure la sienne et lui appartient indéfectiblement. Cependant cette situation découverte aujourd’hui est ressentie d’une façon très particulière, car liée à sa condition, par le jeune Droms. Ses rapports avec son nouveau milieu sont en effet très proches et très pressants, permanents et nécessaires, il est aussi plus isolé. Enfin la réalité lui est dévoilée d’une manière crue et bien souvent cynique. Sans doute nous ne sommes pas tous des affreux W. mais la plupart d’entres nous sont considérés par ces Droms comme d’affreux oppresseurs, ces Droms deviennent parfois hargneux comme meut par une vengeance prenant racine dans leur impuissance à résoudre leur quotidien, « …surprend tes maitres dans leur nature intime, qu’ils arrivent peu à peu à se révéler tels qu’ils sont sans fard et sans voile, oubliant qu’il y a auteur d’eux quelqu’un qui rode et qui écoute et qui frappe… », a-t-on pu récemment lire sur un mur de la capitale, car ils finissent un jour ou l’autre, hélas, par frapper. Certains extrémistes disent que « c’est dans leur nature », nous disons qu’il faut travailler en amont, avant que nous n’en arrivions à de telles extrémités. Qui sont les maitres en ce cas et les persécuteurs ? Nous. Il faut que cela change, il nous faut comprendre accueillir aider. En outre les conventions et les apparences sont aussi plus fortement contredites dans la vie quotidienne. Le Droms vit dans les coulisses et voit surtout l’envers du décor. Or le maitre et la maitresse persécuteurs sont porteurs, dans la représentation plus ou mois claire que s’en font les Droms, des valeurs qu’on ne lui a pas appris à respecter, valeurs morales et sociales quelques peu confondues comme l’on sait. Cependant cet isolement en quelque sorte matériel, quoique en de nombreux points spirituel, si sensible soit il, ne constitue pas le tout de l’aliénation, dont ils ne sont en rien responsables je le répète. Ils sombrent souvent et côtoient une morale douteuse, un avachissement facile des valeurs tentés par une consommation des biens du marché, il va sans dire, abusive et au delà. Ce non respect vis-à-vis des natifs induit parfois tant de comportements violents et intolérants de la part de nos contemporains, il faut que ça cesse. Le terme d’isolement n’est il pas exact ? Dans sa signification usuelle il ne recouvre pas entièrement et si je puis dire ne pénètre pas à l’intérieur de la situation vécue par les immigrés et les transplantés, les colonisés, les flottants solitaires, les errants galactiques et toutes sortes d’êtres en déroute, tous les individus qui par la race la culture les façons de penser, quand ils on le loisir de penser et d’agir quand ils agissent, sont étrangers au milieu où ils sont appelés à vivre, plus largement par tous ceux qui sont rejetés ou simplement séparés de leur communauté d’origine. Ainsi l’isolement dans lequel nous voyons à juste titre un mécanisme pathogène essentiel est bien la donnée fondamentale vers laquelle convergent de multiples travaux auxquels nous avons participé. Mais cette notion ne satisfait pas pleinement celui, scientifique analytique ou non qui veut se représenter la condition de l’isolé. Son aliénation ne lui apparaît pas en effet résulter seulement de l’état de fait dans lequel l’individu est placé mais autant et peut être davantage de l’altération de sa relation aux autres ; cette aliénation vient d’une solitude existentielle. L’isolement n’est qu’une des conditions et un visage de cette solitude. Domination et servitude, l’histoire est tissée de cette révolte permanente, de cette longue lutte, quelque soit le lieu de l’univers, contre l’esclavage le servage l’intolérance les formes innombrables et sans cesse renaissantes de la tyrannie, elle est faite d’une succession de haines et de conflits, nationaux raciaux religieux et sociaux. Tout soucis de cela a t-il disparu de notre vie ? Ne devons nous pas encore lutter, même si heureusement, aujourd’hui, semble renaitre une sorte de printemps des peuples ? Il survient ce printemps, accueillons le, profitons en. Histoire des peuples justement derrières lesquels jouent à la fois les rapports de production les structures économiques la lutte des classes les idéologies et plus immédiatement cent situations concrètes et actuelles. C’est placé dans des conditions concrètes, conditions à la fois déterminées et exceptionnelles, à partir desquelles vont naitre les problèmes qui vont submerger les Droms. L’acculturation, les situations d’isolement, la transplantation douloureuse disais-je, coupure de certaines racines essentielles, font de la présence de ceux que nous nommons les Droms, nos contemporains, et à qui il faut tendre la main, des êtres dd souffrance avant d’être des brutes comme certains les nomment. L’étude de situations pathogènes d’un caractère moins général encore que, parfois bien dessinées quand il s’agit notamment de groupes restreints, ethnie dans l’ethnie, peu ou à peine tolérés par l’ethnie dominante de « familles » dont l’origine, l’histoire, me parait littéralement passionnante dont il faudrait écouter la saga, prenons le temps de l’écouter. Il en est qui s’enfoncent dans des états dépressifs torpides irréductibles, dans des involutions affectives précoces et s’expriment avec un découragement et une amertume sans fond. Quand on pense que pour certain d’entre-nous, celui-ci ou celui, vous ou moi, il suffit de traverser un champ « le champ » ou une rue, « la rue» pour être de l’autre côté ; par l’autre côté j’entends : ailleurs. Alors qu’en est-il des Droms qui eux ont souvent erré des années galactiques, avant d’être parmi nous ? »
(CY Rambla 'Prim extrait 2012)

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