samedi 21 janvier 2012

"Tentatives de définition

"Par exemple le fait de prendre sa voiture le soir pour aller louer un DVD dans un distributeur automatique de vidéos au bord d’une route déserte constitue un des faits les plus fascinants de la nouvelle expérience urbaine. Il y a là une manière d’assumer sans peur ni culpabilité la précarité de la civilisation humaine et de flirter avec son effondrement possible qui témoigne d’une force incomparable.


"Tentatives de définition:

Nous sommes dans la suburbia lorsque nous prenons la voiture pour aller acheter notre pain.

Nous sommes dans la suburbia là où les livreurs de pizzas errent le soir sans fin dans des rues mal éclairées.
Nous sommes dans la suburbia quand tous les bâtiments commencent à ressembler à des stations services.
Nous sommes dans la suburbia lorsque les bretelles d’autoroute constituent les repères spatiaux habituels.

Nous sommes dans la suburbia si le temps que nous passons à garer notre voiture est inférieur à cinq minutes.Nous sommes dans la suburbia si, où que nous nous trouvions, notre horizon visuel est rempli de panneaux de signalisation.

Nous sommes dans la suburbia là où les parkings désertés constituent des lieux de sociabilité nocturne.

Nous sommes dans la suburbia si un centre commercial représente un pôle d’attraction hebdomadaire voire quotidien.

Nous sommes dans la suburbia lorsque nous comptons les distances en temps et non en espace à parcourir.
Nous sommes dans la suburbia si le sens de la limite ne signifie plus rien.

Nous sommes dans la suburbia lorsque les maisons-témoins des promoteurs immobiliers forment des havres de paix.
Nous sommes dans la suburbia à partir du moment où les quartiers neufs paraissent vieux avant même d’avoir été habités. Nous sommes dans la suburbia lorsque les piétons apparaissent comme des cibles.

Nous sommes dans la suburbia lorsque l’expression « en ville » ne signifie plus rien.
Nous sommes dans la suburbia à partir du moment où l’on ne sait plus où aller.
Nous sommes dans la suburbia lorsque les individus bénéficient de plus d’espace et de moins de temps.
Nous sommes dans la suburbia si nos voisins nous connaissent sans nous fréquenter, et inversement.
Nous sommes dans la suburbia là où les paraboles tournées vers le ciel abondent sur les toits et les balcons des immeubles.
Nous sommes dans la suburbia lorsque le distributeur automatique de vidéo représente le lieu de rencontre habituel du voisinage.
Nous sommes dans la suburbia si le temps passé devant la télévision excède celui passé au travail et dans les transports.

Nous sommes dans la suburbia lorsque les galeries marchandes constituent le lieu favori de promenade dominicale.
Je pense que les banlieues sont plus intéressantes que ce que les gens pensent. En banlieue on découvre des vies décentrées. Les structures civiques normales n’y ont plus cours. Les gens ont une plus grande liberté pour explorer leur propre imagination, leurs propres obsessions – et le pouvoir discrétionnaire de les accomplir. »
(Bruce Bégout / Suburbia)

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