dimanche 22 janvier 2012

Avec un almanach et une montre, on peut à trois cent lieues d'ici, dire ce qu'il fait


"8 heures, heure du Petit lever, nous sommes tous là autour de premier valet qui a passé la nuit au pied du lit du roi sur lit d'appoint, il s’approche de celui-ci et murmure : « Sire voilà l’heure » un peu comme je le fais avec mes enfants, comme ma femme le fait avec moi les jours de semaine et parfois le samedi lorsqu’il faut aller au marché. Arrivent alors les premiers chirurgiens qui examinent le roi. Entre le premier gentilhomme de la chambre du Roi. Il ouvre le rideau du lit. Une odeur épaisse de corps et de nuit, c’est logique, s’en échappe. Les garçons de chambre, sont déjà entrés dans la pièce. 8 heures 15, C'est l’Entrée familière, des membres de la famille royale, collatéraux mais pas cousins[,] des princes du sang, du premier médecin, du premier chirurgien, du premier valet de chambre. Ensuite ce sont les Grandes entrées, les officiers de la Couronne, le grand chambellan, le grand-maître de la garde-robe, le premier valet de garde-robe et quelques seigneurs que le roi veut honorer. Les trois autres gentilshommes de la chambre et les trois premiers valets peuvent participer également. Ils sont alors au minimum vingt-deux personnes dans la pièce, plus nous. Le premier valet de chambre dépose quelques gouttes d’esprit de vin sur les mains du roi. Samanta ma cadette me chuchote dans l’oreille, « qu’est ce que c’est l’esprit devin, ça sert à deviner ? ». Le grand chambellan présente le bénitier. Le Roi se signe. Tous les assistants se dirigent vers le cabinet des conseils. Un aumônier attend. L’office dure un quart d’heure, le Roi le suit de son lit. On introduit ensuite le barbier et le valet du cabinet des perruques. Le roi en choisit une sans hésitation d’un geste noble et royal et sort du lit, chausse ses mules, il parait qu’il en possède une quantité, enfile sa robe de chambre, s’assoit sur un fauteuil. Le grand chambellan lui ôte son bonnet de nuit. Le premier barbier commence à le peigner et à le raser, il se rase tous les deux jours, come moi. Le Petit lever est terminé. 8 h 30, le grand lever. Hop, petite entrée du médecin et du chirurgien ordinaire, de l’intendant et du contrôleur de l’argenterie, du premier valet de la garde-robe, puis, entrée d'affaires, les gentilshommes titulaires de brevets d’affaires entrent à leur tour. Le roi s'installe sur sa Chaise d'affaire, le barbier achève de le peigner et de lui ajuster sa perruque du lever, moins haute que celle de la journée. C'est alors l' Entrée de la chambre: le grand aumônier escorté des aumôniers de service trimestriel, les ministres, les conseillers d'État, les maréchaux de France, le grand veneur, le grand louvetier, le grand maître des cérémonies. Le roi en profite pour retirer sa robe de chambre, le maître et le premier valet de la garde-robe lui ôtent sa chemise de nuit, l'un par la manche droite, l'autre par la manche gauche, c’est très important. Puis ils lui passent une nouvelle chemise qui a été apportée par un fils de France ou le grand chambellan. Le roi se lève alors de son fauteuil, on l'aide à ajuster son haut de chausse, le grand-maître de la garde-robe ceint l'épée du Roi au Roi, lui passe le reste des vêtements, la veste, le justaucorps et la cravate. Entrent les gens de qualité, chacun donne son nom à l’huissier. Il y a désormais au moins cinquante personnes dans la pièce plus notre groupe qui n’en perd pas une miette. 9 heures, le Roi prend le Déjeuner, deux tasses de tisane ou de bouillon, Madeleine fait une moue écœurée, je crois que la photo sera bonne. Il ôte sa robe de chambre et le Dauphin lui tend sa chemise. On offre au Roi sa cravate, il en choisit une d’un geste noble sans égal. On lui tend trois mouchoirs, il en prend deux, Mathias me dit que « c’est étrange pourquoi ? », c’est un curieux de nature. L’horloger remonte la montre du Roi, le Roi s’agenouille sur le prie dieu et fait ses prières. Enfin, il change de perruque et passe dans son cabinet de travail. 9 heures 30, rendez-vous avec les ministres dans le Cabinet du Conseil où les ordres seront donnés pour la journée. 10 heures, la Messe. Au retour de celle-ci, le roi s’enquière des placets. Ce sont des requêtes écrites, requêtes qu’au début de son règne le Roi lisait personnellement puis a passé la main, a délègue maintenant comme tout chef d’entreprise qui ne peut pas tout faire. Tout le monde peut en formuler, nous nous apercevrons que le livre d’or en est constellé. La matinée se passe dans un silence royal, nous sommes toujours debout, Mélanie s’endort verticalement contre mon bras droit, les respirations se font plus lourdes, quantité d’individus présents toussent, les abdomens gargouillent, nous sommes là depuis 6 heures du matin si je compte la queue et le temps d’attente l’ouverture des portes, nous n’avons encore rien pris, tant de luxe, les détails du protocole, nous filent le vertige. 13 heures, dîner au Petit Couvert où seul son frère peut s'asseoir. Nous sommes priés de sortir jusqu’à 14 h pour le Retour du Roi au cabinet, il se change. Puis chasse ou promenade. Les plus courageux lui emboîtent le pas. Le roi sort tous les jours. Il ne chasse plus à cheval depuis qu’il s’est cassé le bras en 1684, mais conduit habilement une voiture découverte. Le roi adore ses jardins. Il écrit un guide pour mieux les visiter. Dans la promenade, Le Notre ou Mansart l'accompagnent, il leur pose de nombreuses questions. Ou bien il accompagne les dames à Trianon ou à Marly ce qui fait pouffer Béatriz. 17 heures retour de telle ou telle promenade, galante ou non. Il change de vêtements et salut dans la chapelle, ce que nous ne comprenons pas. 19 heures il est dans ses Appartements. C’est le nom des réjouissances qui ont lieu dans le Grand Appartement. On y joue aux cartes, au billard, on y danse également. 22 heures Souper au Grand Couvert, y sont conviés les membres de la famille royale. 23 heures Coucher. Même cérémonial qu’au lever parait-il en version abrégée, cependant agrémenté de la cérémonie du bougeoir où jour après jour change l’heureux bénéficiaire qui a l’honneur de tenir le bougeoir du roi, le tient. « Qu’est ce qui fond ? me dit Béatriz avec cet air narquois qui lui va si bien. Depuis 19 heures nous avons regagné notre hôtel, morts de fatigue mais hantés par d’éblouissantes images historiques vraies, si fortes, pittoresques. Demain c’est le bonus, nous avons eu le choix du forfait : soit se faire l’arrivée d’un bateau chargé d’esclaves noirs, le tout régie par le terrible et cruel Code noir, soit assister à un épisode chaud de la répression des protestants, soit l’expulsion des juifs des Antilles, c’est la quatrième option qui nous est apparue moins couru moins exotique et plus contemporaine, délicieusement sordide. Dès 1666, par souci d'éviter le vagabondage transfrontalier et par défiance pour leur utilisation par certains nobles, notamment, le Roi décrète que tous les Bohémiens appelés aussi Roms, de sexe masculin doivent être arrêtés et envoyés aux galères sans procès. Par la suite, lors de l'ordonnance du 11 juillet 1682, il confirme et ordonne que tous les Bohémiens mâles soient dans toutes les provinces du Royaume où ils vivent, condamnés aux galères à perpétuité, leurs femmes rasées et leurs enfants enfermés dans des hospices. Une peine était en outre portée contre les nobles qui donnaient dans leurs châteaux un asile aux Bohémiens. Leurs fiefs sont frappés de confiscation. Par la même occasion nous avons pu visiter le fief confisqué d’un noble qui lui, est parti à l’insu de son plein gré sur les routes baluchon à l’épaule. Il y a deux ans on avait moins d’argent, on s’était fait modestement « la mise des pantoufles de Sylvie Vartan », durée, cinq minutes, beaucoup moins riche moins haut en couleurs, beaucoup moins intéressant. L’année prochaine si tout se passe bien on se fera…"



(CY - extrait de Rambla'Prim -)




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