vendredi 6 mars 2015

Lumière fossile /27

Donc mardi, en sortant de mon cours, j'achète une pizza au vendeur ambulant garé devant la poste de Bazzecole sur Orges, j’en rêvais de puis deux ans précis, et même sans doute plus et sans doute de façon aussi précise que d'une personne en chair, ô décorative pulsation, en effet, en cas d’absence d'une prostitué à un point précis sur le bord de la route et qui a ses habitudes, on la cherche des yeux, ...odeur envahissante qui appète justement du siège arrière dans sa boîte plate « bon appétit pizza pizza - bon appétit pizza pizza...», et réclame que l'on s'arrête immédiatement sur le bas côté, d’autant plus qu’elle est prédécoupée, je m’en apercevrais plus tard, la dévorer comme il se doit dans les bois là haut lui faire son affaire..., je n’ai pas de bière, boisson pour me désétouffer car ça étouffe vite comme on la mange vite, ça me ferait presque peur de mourir comme ça, et que malgré toute cette joie, c’est peu varié et que surtout conséquence de la maladresse on a aucune habitude du geste..., mais vraiment peu varié, mais alors, bouché de goût assez standard sur bouchée de goût assez standard l'ingurgitant…, et coufflant très coufflant et enjôquant très enjôquant, bourratif autrement dit, mais c’est le jeu d’une fois la décennie, on se l'accorde, beaucoup de gens vraiment inscrits dans leur siècle le font plusieurs fois par semaine, c’est aussi facile que Facebook, quand on aime. Quand on ne rêve pas de grosse voiture ou de tablette, mais seulement de s’arrêter une fois dans sa vie d'acheter une « pizza pizza bon appétit - pizza pizza bon appétit...», une fois que c’est fait , que faut-il faire ? Que font-ils les amateurs, à cet instant ?
« Et une montagnarde crème 7 fromages pour Monsieur... !», oui, savoyard je suis, donc, pour ne pas me déterritorialiser… Imaginons une solution, mais en fait aucun effort, théoriquement, n’est demandé, l’effort en roulant est de s’arrêter surtout, de tourner juste là à gauche au rond point, je sais qu’un peu plus haut je trouverai de l’espace pour ingurgiter ma prise, de l’espace et de la végétation pour cacher mon acte s’il le faut, mais évidemment pas de bière pas de terrasse surtout pas de bistrot, nous sommes partout ici dans des zones sinistrés, mais le faut-il, le fait que je sorte ma dépouille brûlante des rails qu’elle même s’est fixée réclame nécessite-t il un regard un jugement venu d’on ne sait où ? Un minimum d'exhibitionnisme ? La soirée est toutefois encore plus belle que prévue, plus que que belle, ciel noir sur les montagnes (précision à destination de l'esthète potentiel qui lira ces notes) : bleu de Prusse mêlé à de l'anthracite le plus pur), sans éclairs, la chaleur n’étant pas à son sommet pour la saison, blancheur encore de certains arbres printaniers tardifs, en un mot liberté comme parfois, libéré de son propre poids, le poids de ses propres contingences…, mais voila je roule tout droit et emprunte le chemin de ma grotte pour ne pas faillir, ne pas m’étouffer solitaire sans aide sans bière sans liquide me dis-je une nouvelle fois, « on ne sait jamais ça serait con de mourir comme ça !», et perdre bêtement du même coup cet instant précieux, unique, cet instant qui doit bien être fragile pour être aussi intense et singulier ? La lumière se modifiant beaucoup plus vite que ce que nous pouvons en absorber si l’on insiste, et l’on insiste, je roule donc vers ma grotte et me gare à proximité...

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