Cette
année la récolte semble maigre en ce qui concerne l'objet de nos
préoccupations. Parmi les livres lus au cours de l'année, peu
correspondent, trouvent leur place dans ce mouvement qui nous porte
vers les amis, les intimes. Pour tout dire, ces livres leurs sont
adressés après une lecture aimée et décisive, et que l'affection
née de la lecture doit aller vers eux, amis ou membres de la famille
en droite et simple ligne affectueuse rendue à leur intelligence.
Souvent
toutefois, les livres lus ne sont pas totalement aimés, dans leur
entier, par ma lecture, jusqu'au bout ; ils s'épuisent d'eux
mêmes sans que l'auteur ne se rende compte de leur épuisement et du sien par la même occasion. Sans
doute doit-il rendre des comptes, l'auteur, au volume, nombre de
pages et poids. Quelle déception et pire quel déception pour un
cadeau futur qui nous semblait si bien parti pour l'être.
L'auteur
chût dans cette partie. Cette seconde partie n'est nommée seconde et
ne prend son existence que durant ma lecture et par moi. L'auteur
donc, lui, s’enlisant dans son propos, se contredisant, oubliant le
charme et l’exactitude à communiquer, celle du début, celle qui
nous avait projeté en avant et dans un don futur plein d'élan et de
plaisir, puis de plaisir à rendre dans le futur. Mais que fait-il ?
Cet auteur et ce dont il traite ? Tous les deux, deviennent si
lourds et insistants, si pesants du nombril si secouants de leur
nostalgie commune et miroitique. L'essoufflement des personnages est
brandi encore encore et encore, une fois de plus ils doivent gravir
cette pente, essoufflés, dans ce ce qu'on appel roman.
Cette
seconde partie pourrie puisque c'est moi qui la nomme, n'a rien à
voir avec la personne, si légère, vers laquelle on veut envoyer ce
texte ce texte-livre-message-don-preuve d'affection. Hélas !
N’offrir
donc que des demis livres ? Les déchirer en leur cassant le
dos, n’offrir que la première partie, la seconde étant tellement
décevante quelle fait naître en nous violence plus que dégoût,
une telle déception disais-je qu'elle me conduit à la torture de
l'objet, au rejet excessif ? Donc, que faire ?
Que faire de l'autre moitié avariée du livre une fois acheté
? Les libraires ne semblent pas d'accord, « nous ne vendons pas
au détail... » M'y résoudre physiquement - car il se
pourrait qu'une trace infime de respect du sacré livresque m'habite
encore et retienne un instant mon geste -, l'arracher d'un geste
concentré (pas évident car malgré le bâti contemporain de ces
livres contemporains faits à la va-vite, ces engins résistent tout de même violemment)
et n'en conserver que la première ? Nous aurions donc là, la
première de couverture et tout derrière quelque chose de frileux
qui bat au vent ? Peu importe cette misère brandie dans le
froid, l'essentiel se tiendrait là. Et nous l'offririons.
Plus
prosaïquement et pour commencer, comment et où s'arrêter dans la
lecture si plaisante et si possible avant que ça chute ? En
déterminer précisément la ligne de fracture le pointillé par ou
passera le violent arrachage entre deux pouces ? Quelques fois c'est très clair :
là se trouve précisément le début de la fin, c'est net. Souvent
ça l'est moins. Le geste est aussi difficile que de se séparer de
son amante. Faut-il le faire au moment où c'est le mieux, et
pourquoi le faire ? Au moment le plus fort autrement dit se
retirer en plein orgasme - tu imagines le tableau les yeux ronds la
tête éberluée du coïtus interruptus à des fins esthétiques ? -,
ou bien, au moment où c'est le plus doux (un dimanche après midi
confortable en train de manger des tartines de beurres trempées dans
du Van Houten et il n'y a guère aussi délicieux pour l'heure) ?
Aussi difficile que de se lever dans le petit matin froid pour
échapper à une sorte de vie conjugale qui se profile, pour être en
accord avec la vie dissolue et non résolue qui nous anime
romantiquement comme elle anime elle-même les romans où nous nous
abîmons, et d'attraper le premier bus qui nous éloignera à jamais
de ce qui se trouve, de qui est, de l'autre côté de la ligne de
fracture ?
Vous
êtes seul au moment de cette décision, là, personne ne vous
appellera pour mettre fin à l'idylle que vous avez avec la vie tout
court en vous appelant pour une garde de nuit, pour une urgence sur
l'autoroute ou pour aller constater un suicide collectif à l'autre
bout du territoire. Vous êtes seul, seul et il s'agit de faire un
cadeau pour un autre, de la moitié d'un livre, la première moitié
dite et déterminée bonne moitié parce quelle est hautement
fréquentable en hautement en adéquation avec la personne que vous
fréquentez et à qui est destiné le cadeau.
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