« Il y a quelque chose de
lavé ce matin. Après cinq ans de guerre, « comme après cinq ans de
guerre » devrais-je dire, bien sûr bien sûr…, la langue parlée dans ce
pays va renaître, retrouver sa justesse, n’est ce pas ? Une autre s’ouvre, de guerre, en positif,
voyons le comme ça, « …va falloir reconstruire ». On se dit ce matin,
qu’on aura moins honte, franchissant une frontière, de se déclarer citoyen de
ce pays. Hier soir, les médias télévisés nous ont prouvé une fois de plus
qu’ils sont capables d’innovation pour faire pire encore, jusqu’à l’illisible,
l’insupportable et bien loin de ce que devrait-être la pratique banale et
quotidienne de l’art de l’image informative. La simplicité ce n’est pas ce qui
les étouffe, un temps d’arrêt : impossible. Gangrénés qu’ils sont par
justement ces cinq ans de remplissage à tout prix, de dépassement obligé autant
qu’inutile, l’image et l’information doivent faire du chiffre elles-aussi, être
évaluées, tourner à vide au besoin (ici un feu d’artifice du vide informatif triomphant
comme au premier tour). Rendre cet apothéose de fin de campagne tourbillonnant
et doré et pour cela, rendre absolument instable toute personne d’apparence
humaine et éclairée abondamment, en, je m’explique, les faisant flotter dans un
espace transparent qui existe mais totalement virtuel, me fais je bien
comprendre ? …c’était réussi. Puis suivre, et nous quasiment sur la moto
des suiveurs ( moins bien d’ailleurs qu’au tour de France nous tentons une identification)
sur un écran parallèle, suivre dis-je à travers la nuit, la voiture du vainqueur durant trois quarts d’heure, après
avoir repéré sa sortie, de son repère, par hélicoptère comme ferait la police,
comme fait la police avec les délinquants fuyards, (comme elle faisait je me
souviens pour mettre la pression lors des manifs lycéennes d’il y a peu, rasant
les quais, la tuyère hurlant…) encore là, gangrène poisseuse du quinquennat et
plus, qui meurt aujourd’hui: les médias rendus à l’image de cette terreur
obligatoire. Innovation peut-être de celle qui me parle le plus, la caméra
matériau parmi les matériaux humains qui pressent et palpent, veulent à tout
prix palper le vainqueur de l’épreuve et qui tente de palper elle-aussi, à
l’épaule : « est-ce vrai, est-ce lui, où allons nous, nous verrons
bien…, chantons et palpons. », …sans doute les plans les plus hasardeux,
les plus chaleureux et habités (par nous, du coup, toujours dans cette quête
cette identification) aussi parce que dangereux pour le matériel, et sans réel
contrôle…, et, sans doute, l’avion qui
le mène à Paris…, mais j’éteins « le récepteur de télévision ».
Quelque chose de lavé, le vent est tombé,
le ciel totalement lumineux, le trèfle sèche lentement, les merles
becquent et creusent et partent avec des larves des lombrics, B. ne peut pas
tous les sauver, …, plus de pain (nous n’avons rien prévu), aucune rumeur du
centre ville hier soir, aucune image ce matin d’une liesse éventuelle, il
faudra se déplacer, ici : nulle boulangerie, nulle presse, nulle trace
humaine. Ici on dort et on jardine, où sont les habitants ? Des nuages
réapparaissent, les premiers, blancs et gonflés de rien, cousins éloignés de
ceux d’hier, côté ouest. Hier dans le soleil, à cinq minutes du résultat, une
pluie de mai née du réchauffement climatique, en gouttes horizontales, giboulées
tardives. Je ne devrais pas associer météo, bouleversement climatique et espoir
politique, mais hélas notre besoin de symboles bêbêtes semble plus fort que
tout ; quelque chose de lavé, donc. Franchissant une frontière demain, … »
(chronique de Baulieu)
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