« Mélancolie également, car nous savions que l’un ne
pouvait accompagner l’autre dans son monde. En effet, celui qui accompagne
s’étonne d’apparitions qui sont à prendre comme des évidences dans les réalités
de ce monde, il pose des questions quand il doit se taire, il cherche à
entraîner l’autre dans un dialogue au lieu de se contenter d’observer. Quand
quelqu’un prend la responsabilité de conduite un être aimé dans son univers, il
dirige surtout son regard sur celui qui l’accompagne et moins sur les objets,
il veut montrer des détails qu’il faudrait percevoir sans aide extérieure, il
découvrira partout des rapprochements qui, à peine les aura-i-il énoncé, lui
sembleront douteux. Des secousses légères. Les premiers malentendus. Tout doit
être dit. Les choses énigmatiques commencent à se retirer pas à pas du monde
intérieur, et avec leur disparition commence le besoin d’expliquer ce monde.
Bientôt, on y entre plus que comme on suit une habitude ancienne. Mais un tel
vide, une telle perte, nous ne l’aurions supporté ni seuls ni à deux. Aussi
nous sommes nous accommodés des semaines pendant lesquelles l’autre semblait
plongé tout le jour dans son monde, où on pouvait à peine lui adresser la
parole, comme s’il n’allait plus jamais remonter à la surface. C’était là notre pacte. Nous nous sommes
protégés mutuellement ainsi. Et nous somme restés ensemble. »
(Marcel Beyer / Kaltenburg)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire