dimanche 15 mai 2011

Cartonfiction


Tu te retournes, un tas de sacs, un amalgames de cartons de rangement ont été exhumés, déplacés provisoires, tas pour rangement proche et définitif. Ça stagne et heurte tes mollets (lui), ta taille (lui) n’est en effet pas la même que la sienne (elle), elle qui se faufile à une certaine hauteur, un elfe, laisse les portes des placards ouvertes à hauteur des yeux de lui. Ça on ne peut rien en faire, c’est comme une façon de jardiner tout mélangé (elle) ou de laisser la poussière à certains endroits (lui), c’est comme ne pas utiliser assez de produit vaisselle (elle et lui) et en fin de compte arriver à des résultats différents de vaisselle: grasse (elle), tachée (lui).


Un trait, un caractère. Vouloir absolument exhumer ranger et se retrouver avec un volume plus important : le genre boite de cubes pour enfants totalement pleine, au moment du rangement (lui) il reste trois cube sur les bras, qu’en faire ? Elle (elle) pour prouver sa patience réelle et sa générosité tout à fait réelle, range tout de nouveau et rationnellement et parvient à tout caser. Fiction. Merci. Lui peste (lui).


Parfois, tout le temps, par épisodes, beaucoup plus agaçants parce que moins nettes de volume et de définition qu’un cube ou qu’une boite de cubes, ces choses qui devaient dormir encore un peu, que l’on réveillerait plus tard, se retrouvent hébétées au milieu du passage alors qu’en fin de compte, la chose originellement cherchée exhumé utilisée ne sert à rien, pire inquiète et encombre (lui), n’a peut-être pas été trouvée (elle).


Tout ce qu’on garde d’inutile (elle et lui) encombre mais encombre moins qu’en on l’empile, qu’on le cache et surtout qu’on l’oublie, certitude qui nous occupe pleinement dans un premier temps. Nous croyons fermement. Oh oui. Chaque objet a Son moment. Nous le savons, Son moment Son extraction le temps de Son exaltation.


Parfois gardé, à l’ombre, loin des regards et des utilités, vingt ans, plus. C’est en trois secondes qu’il passe à la poubelle, sans réelle vie, c’est triste.


Lui tourne à angle droit, jamais ne traversera en biais, elle zigue-zague et ruse avec la trajectoire. Une ligne droite non encombrée est une ligne droite morte (elle). Aller de la cuisine au canapé sans slalomer, sans enjamber sans se dire à chaque fois « …pourquoi ai-je sorti ce carton ces vieilles nippes ce tas inutile ou mieux, ne se le dit pas mais ressent comme un malaise, ça ne va pas (elle).


Un trait un caractère peut occuper une existence pleine sans que l’on soit pour cela tenu à s’en séparer. Nous n’aimons pas nous séparer. De rien. Une espèce de fierté coexiste au fond tout au fond du possesseur, entre ce qu’il ressent et ce que cela produit dans l’espace.


Cet être (elle) ne lutte que très légèrement contre ce qu’il perçoit de cet encombrement personnifié, même s’il ouvre les yeux sur des aberrations disséminées ici ou là issues de, des, de ses gestes, jamais où il faut, quelques tas. Cela le (elle) dépasse, aussi. « Je ne vois pas pourquoi. Et pourquoi verrais-je comment ? » C’est une fierté d’être brouillon et tout autant d’avoir conservé cette qualité depuis tant d’années. Esquissons quelques félicitations.


Une maniaquerie dont on ne peut se défaire (lui) est tout autant fierté, sentiment de fierté qui remplace l’impossibilité du soin. « Et à quoi bon, v’zavez vu les autres, et Machin avec ses habitudes de vieux machin, au moins je sais où j’en suis, et… !? ». Les tas de cartons installés au carré loin de la vue et numérotés dans un coin obscur pulsent toutefois, encombrent tout autant, dérangent le maniaque dans leur sommeil relatif, occupent ses insomnies. On ne peut s’en défaire, ils ont l’épaisseur du subconscient et la teinte du remord. Ça ne lâche pas.


Il y a retournement des os comme il y a nécessairement, sous peine de congestion de l’être de soucis de cauchemars interminables infinis, transport ailleurs des cartons. (Des cartons comme des livres (saison II.)


Nous sommes des voyageurs nés, des nomades, dès que nous nous frottons à l’immobilisme il faut faire bouger quelque chose à la place du corps (elle). Bougeons les cartons les meubles, repeignons les pièces.


Nous sommes des sédentaires indécrottables, voir bouger les choses équivaut à voir partir des êtres sans pouvoir les suivre (lui). Pleurons sur l’épaisseur du temps mais Morbleu ! Ne touchez pas à cette poussière !


Bien sûr la porte du haut du placard, bien sûr les tas contre les mollets, dans les pieds. Elle (elle) vole de ci de là. Ça n’empêche pas la vie. C’est l’évidence. Certes au moment de s’asseoir (lui), il, vraiment au dernier moment : a) il s’aperçoit que le fauteuil n’est plus là. b) Il s’étonne que le fauteuil soit toujours là malgré ce qu’il vient de penser d’elle (elle). Faisons un tour, revenons vérifier, va-telle (elle) enfin bouger quelque chose dans cette foutue baraque que je ne sois pas obligé de m’auto-traiter de menteur ? Ce qui est rassurant c’est que la salière a encore migré (elle).


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