Ressuscité du matin

Ressuscité du matin sur le chemin poussiéreux le premier jour de la semaine, il apparut d’abord à Marie de Magdala dont il avait chassé sept démons de son corps parfait. La langue bien pendue et développée par son art, qui compte parmi les métiers de bouche, elle s’empressa d’aller colporter la nouvelle. A qui profite l’orgueil ? Les compagnons à qui elle s’adressa, ne la crurent. Pour celle-ci le : "ils ne m’ont pas cru, ils m’auront cuite", de Jeanne d’A., ne convient pas, ne convenait pas.

En chemin, le « revenant », si l’on peut le nommer ainsi, se manifesta sous d’autres traits. A deux autres personnages qui allaient, cheminant dans la campagne. Dans la direction d’Emmaüs, à quelques soixante stades de Jérusalem. Ils s’entretenaient de tout et de rien, les sandales dans la poussière du chemin, mais surtout, de ce « tout ». Ce tout étant, les événements mystérieux, qui s’étaient déroulés, les jours précédents, surtout. Ceux-ci, les avait beaucoup marqués, au point d’en perdre une des formes élémentaires de la vue, la reconnaissance de ce que nous connaissons déjà. Entre nous, cette obscure période se vouait spontanément à la cécité, et souvent absolument. Car quelques siècles plus tôt, si l’on avait bien voulu, il aurait fallu le vouloir, …sur ce chemin en route vers Emmaüs, se souvenir, avec un minimum de jugeote, d’un grand philosophe grec, qui dans son enseignement traitait de cette question : "…les choses non de dieu, nous les avons en nous, suffit que celles-ci se révèlent… !", disait-il à ceux qui ne voulaient l’entendre, … et ils s’arrêtèrent le visage inexpressif, …leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître.

Ils le prirent pour un étranger aux affaires du coin. Il n’avait après tout, rien vu puisqu’il s’en étonnait, il devait-être en chemin lorsque les événements fameux demeurés mystérieux, eurent lieu. Ils hasardèrent, et je trouve ça assez hardi, voir maladroit, au vu des circonstances historiques, une critique des événements dont je tairai les détails, ici. « Tu es bien le seul habitant de Jérusalem mais, es-tu bien de Jérusalem fils ? …à ignorer ce qui s’est passé ces jours derniers ! Quoi donc, quels événements ? » dit-il, un soupçon hypocrite.

Puis comme on était proche d’Emmaüs, le marcheur-revenant, leur offrit quelques vieux meubles qu’il emportait toujours avec lui, ainsi que des vêtements qu’il ne mettait plus. Seul ce tas de vieux meubles sentant le dépôt-vente et ces frusques défraichies, posèrent questions, plus tard, à ceux qui voyaient encore et dont le regard, était attiré. Ils marchaient, il faut se le rappeler, tout en devisant. Les uns critiquant la politique meurtrière de l’état envers celui qui devait les sauver, et l’autre feignant l’ignorance tel un Richard Cœur de Lion sous sa bure épaisse, revenu discrètement de captivité en terre sainte occupée, …ils marchaient donc, et la nuit de même approchait et finit par tomber sur leurs épaules endolories par la marche. La générosité des gens de ces contrées n’a d’égal que leur simplicité : « Reste avec nous ! dirent-ils, …le soir tombe ! » Dès qu’il bénit et rompit le pain, leurs yeux s’ouvrirent, ils le reconnurent. Hélas trop tard. Ils le reconnurent au moment ou il s’estompait… Méfies-toi donc. Ceux-ci non plus, on ne les crut.

(Extrait de: Les Déserts Médicaux - CY 2010)