mercredi 2 mars 2011

Le rire


Ce qui prouve que, quand il reçoit de la chaleur, le diaphragme manifeste aussitôt qu’il éprouve une sensation, c’est aussi ce qui se passe dans le rire. En effet, si l’on chatouille quelqu’un, il se met tout de suite à rire, parce que le mouvement gagne vite cette région là, et même si le mouvement l’échauffe légèrement, l’effet est sensible et la pensée se met en mouvement contre la volonté. Si l’homme est le seul animal a être chatouilleux, cela tient d’abord à la finesse de sa peau, mais aussi au fait qu’il est le seul animal qui rit. Or, le chatouillement produit le rire par suite d’un mouvement du même genre qui affecte la partie avoisinant l’aisselle.

On prétend aussi que des blessures de guerre dans la région du diaphragme provoquent le rire, à cause de la chaleur qui se dégage de la blessure. Car ce fait rapporté par des gens dignes de foi, est plus probable que ce que l’on raconte de la tête d’homme qui parle après avoir été coupée ! Certains à l’appui de cette assertion vont jusqu’à citer Homère qui ferait allusion à ce fait quand il dit : « Elle parle encore que déjà sa tête est dans la poussière », et non « il parle ». Et en Carie, on a si bien cru à la réalité du fait qu’on est allé jusqu’à faire passer en jugement un habitant du pays. En effet, le prêtre de Zeus Armé ayant été tué sans qu’on sût par qui, quelques personnes prétendirent avoir entendu sa tête coupée dire plusieurs fois : « Kerkidas a commis meurtre sur meurtre. » Aussitôt l’on chercha qui dans le pays s’appelait Kerkidas et on le jugea. Or il est impossible de parler une fois la trachée-artère tranchée et sans le mouvement qui vient du poumon. Même chez les barbares qui coupent les têtes prestement, jamais rien de tel n’est arrivé. D’ailleurs pourquoi le fait ne se produit-il pas chez les autres animaux ?

L’histoire du rire qui accompagne une blessure au diaphragme est vraisemblable. Car aucun animal ne rit, sauf l’homme. Et que le corps puisse avancer un peu après que la tête est coupée, il n’y a là rien d’illogique, puisque au moins la animaux non sanguins continuent à vire ainsi longtemps. Nous en avons expliqué la raison ailleurs.


Les parties des animaux - Aristote

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