dimanche 20 février 2011

Os secs

"Beaux textes, tous « d’os secs » et bien polis, dénués de superflus cela s’entend, au goût de survie essentiellement au goût de survie et particulièrement au goût de survie, ou de sur-mort, en attente de leur propre décès survenant en même temps que le narrateur. Manque de bol, ils survivent ils se célébrisent et là, le bâton poli comme l’os et le geste avare contre le vieux bois de la table de nuit et le verre à dent d’eau croupi font leur musée, et c’est beau et c’est dénué et c’est vide d’autre chose, mais de quoi ? Un quoi qui serait par exemple plus épicurien ? « Oh un tantinet plus, ce ne serait pas d’refus ! » Hélas nous n’avons là, c’est un choix d’auteur, qu’un demi choix, donc, nous n’avons là que l’utilité sèche, le maniement simplifié à l’extrême de tout ustensile en matière morte, momifié ou poli ou dénaturé, au goût pâle, à l’essence extorquée, à qui, au milieu de tant de dénuement quasi volontaire, on souhaiterait une sorte d’âme idiote ou de sortie honorable, une fin, un âme idiote mais âme. Un rien un essentiel minimum d’habitat humanisé, une bricole de démon miniature vaguement coloré, oui un peu s’il vous plait mais à qui, ici les yeux cherchent au plafond une poignée de type compartiment de métro, à qui ? …adresser une tel détresse, une telle description par le manque, à qui dans ce dénuement consenti ? On souhaiterait pour cet être, à ses objets, un rien d’agitation anthropomorphique, permettant d’améliorer et le cas échéant si vraiment il le faut, de poursuivre cette idée, un doigt vague trempé vaguement, amoureusement même, une « ultime fois » dans l’amortisseur jus de toutes ces choses environnementales, et surtout inutiles mais justement, ornementales, internes et acceptées et désirées telles, qui forment nos repères bêbêtes, à mesure que la cage thoracique se soulève d’une façon irrépressible, que les lèvres bavent un peu, ou que la salive salive à la vue désirante de quelqu’objet de nos délices assez banaux mais délices dont nous ne pouvons faire le deuil afin d’aller mais qui qui le voudrait ? …vers plus de simplicité monacale ? …la mâchoire dure, l’œil bleu, la joue contre la bure, la réflexion propre, le papier peint inexistant, un œil sur le seau hygiénique et le pain sec, l’ex bâton de marche paralysé lui-aussi, le passage des saisons sans effet, la vie en général une mythologie fort éloignée, des passereaux lointains et muets baillent dans le crépuscule, près d’un corps taillé recuit vidé, allongé là, matière extraterrestre, matière répondant à des besoins annulés à la mesure de l’approche du terme, en deça de toute élémentaire occasion, encore vaguement être et décrit tel, en perte de vitesse en immobilisme, car ses sens mais où sont ses sens ? …Belle littérature sacrifiant les sens du pauvre hère, sens incomplets certes mais qui hier encore lui appartenaient. …à la belle littérature la vraie, ce personnage ces personnages dans un utilitaire bord de tombe. Personnage distillé destiné à rien moins que le plus suave des os secs, jus évaporé. Il se distingue encore, s’élève hâve, d’une façon très personnelle, façon saccadée. Entre lui et lui une telle distance. A distance de sa distance, dans ce vide spatial nous ne sommes que d’infâmes romantiques, d’affreux jouisseurs, d’éclatantes preuves que la vie ne sert à rien, vraiment à rien, alors pourquoi encore la pousser, repousser, dure et tendre, la faire durer ? …lui et sa réponse d’être sec au milieu du sec du mort qu’il attend de lui-même, de l’attente, l’attente de lui-même de rien-fini, cette sur-évaluation des déplacements minimaux, évacue ce qui pourrait faire encore mais ce qui ne fait plus, dépassé par ses propres suppressions son vide quotidien, anéantissements sauvagerie de bois sec et d’os sec, arôme ôté, lui poursuit une reptation, dans sa chambre, meurt comme sa chambre une fois de plus et reprend le déroulé du destin du mort qu’il contemple…,

… au bout de très vite je m’ennuie, le confinement de la chambre ou l’odeur armée du salut nocturne m’incommode, évidemment unique et capricieux, nous sommes tant à l’opposé, nous sans rigueur, plutôt déliquescent voire voire un peu décadent mais que cela veut-il dire, a-t-il voulu dire ? … je repose le livre cette fois plein de respect, il s’agit bien à n’en point douter, ma parole n’a d’ailleurs aucune incidence sur le monde, d’un des plus grands écrivains du siècle passé, immortel et fixé à tout jamais dirait notre maitre dans sa blouse grise. Je referme la porte, descend l’escalier en bois couleur d’os et sec, je ne reviens plus. Pas avant une dizaine d’année, ou au bord moi-même, ce qui facilitera les choses, sans doute."

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