dimanche 13 février 2011

C'est une coste de mer

« … c’est une coste de mer qui rend les gens rustiques, rudes & mal policez desquels l’esprit volage est tout ainsi que leur fortune & moyens attaché à des cordages & banderolles mouvantes comme le vent, qui n’ont autres champs que les montagnes & la Mer, autres vivres & grains que du millet & du poisson, ne les mangent soubs autre couvert que celuy du Ciel, ne sur austres nappes que leurs voiles.

… ils se jettent presque tous à cest inconstant exercice de la mer, & mesprisent ce constant labeur & culture de la terre. Et bien que nature ait donné à tout le monde la terre pour nourrice, ils aiment mieux (legers & volages qu’ils sont) celle de la mer orageuse, que celle de cette douce & paisible Deesse Ceres.

… ce meslange de grandes filles & jeunes pêcheurs qu’on voist à la coste d’Anglet en mandille, & tout nuds au dessoubs, se pesle-meslant dans les ondes…

… c’est une grande inconstance & légereté de se jetter ainsi à tous momens & à toutes occasions, comme font les gens de ce pays, à la mercy d’un element si muable, & de tant d’inconstantes creatures à la fois : car ce grand Ocean n’a accoustumé de nous trainer si les vents ne nous poussent. Ainsi les mers nous portent, & les vents nous transportent, nous soufflent et ressoufflent dans leur flux et reflux, l’air qu’on y prend & les vapeurs qu’on y reçoit nous mouillent, nous brouillent & nous detrempent dans l’humidité de tant d’eau, & dessus & dessoubs.

… une volupté admirable, & un desir enragé d’y aller & d’y estre, trouvant les jours trop reculez de la nuict pour faire le voyage si desiré, & le point ou les heures pour y aller trop lentes. »

P de Lancre, Tableau de l’inconstance..., 1612.

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