Les déserts médicaux page 36

"Ce qui nous différencie des animaux, c’est la parole. Ce qui me différencie d’un animal c’est que je peux rester dans ton appartement toute la journée et pourtant, ne pas attendre ton retour pour aller faire pipi dehors en ta compagnie. Ce qui me différencie de Géraldine la tortue, c’est que même pris d’un désir effréné de copuler je peux faire la différence entre les pieds du fauteuil et toi. J’aime beaucoup les lingeries rouges et ça, nous le partageons Ferdinand et moi, le taureau, oui. Ce qui me différencie d’avec Clôclô notre poisson rouge c’est que passant et repassant devant toi ou derrière toi qui lit sur le fauteuil jaune, je me souviens être déjà passé là, je te reconnais même si ta robe est verte et précédemment bleue hier encore rose et orange. Je n’ai qu’un organe copulateur et non deux comme le python. Je reconnais tes mamelles lorsque je les malaxe alors que je pense, que non seulement Plutôt ne les reconnaitrait pas, mais s’en désintéresserait la babine flasque le menton inexistant la durite invisible. Je me rends bien compte que seul ton sexe est entouré de poils. Je m’entraine à bouger les oreilles en direction du son contractant de minuscules muscles à l’intérieur de mes oreilles, je m’entraine, ce qui fait toute la différence. Ce qui me différencie de Joly Jumper c’est que je me coupe les sabots régulièrement alors que lui, a du mal avec ses ongles. Tu ne pourrais par exemple pas supporter d’embrasser les cheveux du hérisson que je serais. Serpolet meurt au bout d’un demi-verre de gnôle, pas moi, sauf si elle est très mauvaise. Je me dandine quand je suis content, Martin quand il est en colère. Je te montre mon ventre non en signe de soumission mais pour que tu me le gratte. Impossible d’avoir les fesses aussi colorées que le mandrill, ce n’est pas un regret. Ma trompe, et bien tu vois, n’est pas aussi préhensible que celle de Jumbo, mais qu’y a t-il à saisir tout au fond, au fond ? Tu aimes assez ton corps de mante, moi aussi, même si tu ne peux le voir en tournant radicalement la tête dans l’autre sens comme la véritable le fait. Franchement je m’ennuierais d’être seulement la moitié d’un hippocampe performeur, même si l’idée est belle. La mer beaucoup trop humide beaucoup trop salée et sombre. Il m’a fallu bien plus qu’une banane pour que tu acceptes de grimper sur mon lit de feuilles. Si si parfois, lorsque je suis seul et que je m’ennuis, ça me plairait bien d’être plus souple, comme le chat par exemple.

C’est ce contraste entre la complexité de l’organe et l’unité de la fonction qui déconcerte l’esprit. Je n’ai aucun mal à bramer contre ton arrière train, ce qui me gêne en quelque sorte, c’est l’absence d’andouillers. Courir de nuit devant un groupe d’hyènes affamées à mes basques, ce n’est pas mon genre. Si je fais rouler une noisette au ré de chaussée, je ne descends pas forcément la chercher tout de suite, j’en ai un plein saladier dans la cuisine. "

Les déserts médicaux (extrait) CY 2010